Le Journal Politique
12 h 35 | Alae El Fikehi
Plus d’un demi-siècle nous sépare désormais de l’émergence d’un chaos ayant imprégné la nation canadienne, lors de l’automne 1970. Un amalgame de bouleversements sociopolitiques s’étant amorcés suite à l’enlèvement du diplomate britannique James Richard Cross dans sa résidence de Westmount, suivi d’actes terroristes oppressants perpétrés par le Front de libération du Québec, ainsi que l’enlèvement et l’assassinat de Pierre Laporte, le ministre du Travail provincial; il ne s’agit que de certains des évènements ayant marqué l’infâme crise d’Octobre.
Cette période décisive s’étant achevée le 28 décembre 1970 avec l’arrestation de la cellule Chénier du FLQ influença notamment les élections municipales de Montréal durant la même année, et fut également une conséquence de la radicalisation d’individus québécois, soulevés par un mouvement nationaliste.
Il y a maintenant 51 ans, l’incertitude régnait au sein du Québec; il était question d’une situation belliqueuse entre un mouvement anticolonialiste mené par les Felquistes, enhardis par une inspiration tirée de nations telles que Cuba et l’Algérie, et la domination anglophone.
Les actes terroristes perpétrés par le FLQ coûtèrent la vie à 6 individus, victimes des 200 bombardements et actes de vandalisme survenus entre 1963 et 1970.
Lors de ce retour vers l’histoire, revivons cette série de drames décisifs ayant contribué à façonner le caractère de toute une nation, il y a maintenant 51 ans.
Le Front de libération du Québec, et l’indépendantisme radical
Muni d’une idéologie de socialisme et de nationalisme de gauche, le Front de libération du Québec se fit connaître durant les années 70 en tant qu’organisation terroriste, semant la terreur par des attentats à la bombe, ou encore au Cocktail Molotov. Le FLQ fut fondé par Gabriel Hudon, Raymond Villeneuve ainsi que Georges Schoeters, et faisait la promotion de l’indépendance du Québec. L’organisation rassemblait notamment des individus issus du Rassemblement pour l’Indépendance nationale, mouvement qui naquit en 1960, et du Réseau de résistance.
Les conditions dans lesquelles était plongée la province québécoise contribuèrent à l’émergence de cette organisation radicalement souverainiste. Le taux de chômage grandissant au sein de la population du Québec, ainsi que l’inégalité économique entre les anglophones et les francophones du Québec furent des éléments majeurs ayant entraîné un soulèvement de la part des nationalistes.
« Les puissances d’argent du statu quo, la plupart des tuteurs traditionnels de notre peuple, ont obtenu la réaction qu’ils espéraient, le recul plutôt qu’un changement pour lequel nous avons travaillé comme jamais ; pour lequel on va continuer à travailler ».
-René Lévesque, avril 1970
Attentats à la bombe dans des boîtes aux lettres
Le Front de libération du Québec sema l’incertitude en étant la cause de multiples bombardements éparpillés dans divers endroits, notamment le quartier général de la Gendarmerie Royale Canadienne, la statue de la reine Victoria à Québec, l’Université McGill, l’hôtel de ville de Westmount, et même des demeures du même quartier anglophone.
De 1963 à 1970, les attaques du FLQ furent la cause de six décès et nombre d’individus grièvement blessés.
James Richard Cross, le premier homme politique enlevé en Amérique du Nord
Diplomate britannique, attaché commercial ainsi que vétéran de la Seconde Guerre mondiale, James Richard Cross (1921-2021) fut kidnappé le 5 octobre 1970 par les membres de la cellule de Libération du FLQ (formée de Jacques Lanctôt, Marc Carbonneau, Yves Langlois et Nigel Hamer). Les membres de la cellule réclamaient une rançon de 500 000$ en or, ainsi que la libération de 23 prisonniers politiques, un avion ayant pour destination l’Algérie et Cuba, l’abandon des activités de recherche de la part des forces de sécurité, le réemploi de 400 individus par l’entreprise Lapalme, ainsi que la publication du manifeste du FLQ, sans quoi ils refuseraient de relâcher M. Cross.
Durant 59 jours, James Richard Cross sera séquestré, et ne sera libéré que le 3 décembre 1970, après que ses ravisseurs eurent obtenu un sauf-conduit vers Cuba. Son enlèvement fut l’action ayant amorcé la crise d’Octobre.
Le manifeste du FLQ publié par les stations de radio
Suite aux revendications du Front de libération du Québec, le manifeste est lu par le journaliste Louis Fournier à la radio de CKAC le 6 octobre 1970, après avoir reçu des informations concernant le danger entourant la vie de James Cross.
Le lendemain, Radio-Canada diffuse le manifeste dans son intégralité, par l’intermédiaire de Gaétan Montreuil.
Le chef du Parti Québécois, à l’époque René Lévesque, publie un article incitant les membres de la cellule à ne pas porter atteinte ni à James Cross, ni à qui que ce soit.
Le 10 octobre 1970: Pierre Laporte, ministre du Travail et de l’Immigration, est enlevé
Pierre Laporte (1921-1970) fut avocat, journaliste, politicien, ainsi que député pour le Parti libéral du Québec, avant d’être enlevé dans son domicile par les membres de la cellule Chénier, sous-groupe du FLQ avec pour membres Paul Rose, Jacques Rose, Francis Simard et Bernard Lortie.
Le lendemain, la carte d'identification de Pierre Laporte est retrouvée dans une poubelle, accompagnée d’un communiqué du Front de libération, laissant un ultimatum de 22 heures au gouvernement.
Quelques instants plus tard, une seconde lettre est aperçue une fois de plus à Montréal, rédigée par M. Laporte lui-même, et adressée à Robert Bourassa.
«Mon cher Robert,
J’ai la conviction d’écrire la lettre la plus importante de toute ma vie. Pour le moment, je suis en parfaite santé. Je suis bien traité, même avec courtoisie. J’insiste pour que la police cesse toutes les recherches pour me retrouver. Si elle y parvenait, cela se traduirait par une fusillade meurtrière, dont je ne sortirais certainement pas vivant.»
-Pierre Laporte, 11 octobre 1970
Le premier ministre du Québec prit finalement la décision de négocier avec le FLQ, 5 minutes avant l’achèvement du délai.
L’armée dans les rues
À la demande des ministres fédéraux, les soldats sont également envoyés sur la colline parlementaire à Ottawa, lieu où Pierre-Elliott Trudeau s’exprime le 13 octobre et lance sa phrase culte «Just watch me», une fois interrogé au sujet des mesures qu’il envisage prendre.
Le 15 octobre 1970, le gouvernement du Québec demande officiellement l’aide de l’armée canadienne. Plus de 8 000 militaires sont donc envoyés patrouiller autour des bâtiments majeurs de la province.
La loi sur les mesures de guerre
Tel que l’avait affirmé le premier ministre Trudeau lors de sa prise de parole du 13 octobre, l’interruption des droits civiques était une mesure à ne pas écarter.
Ainsi, la Déclaration canadienne des droits est suspendue, une action menant à plusieurs centaines d’incarcérations non mandatées, ainsi que des milliers de perquisitions.
Pierre Laporte, un martyr politique
«Face à l’arrogance du gouvernement fédéral et à son valet Bourassa, face à leur mauvaise foi, le FLQ a donc décidé de passer aux actes. Pierre Laporte, ministre du chômage et de l’assimilation, a été exécuté à 6h18 ce soir par la cellule Dieppe (Royal 22e). Vous trouverez le corps dans le coffre d’une Chevrolet verte (no 9J 2420) à la base de Saint-Hubert. Deuxième entrée. Nous vaincrons.»
Il s’agit là d’un message trouvé par deux journalistes de la CKAC, après avoir été avertis par des appels d’inconnus. Effectivement, le corps amorphe de Pierre Laporte fut trouvé sans vie dans le char en question, achevé par asphyxiation, d’après un rapport du médecin légiste.
Le décès de James Cross fut également déclaré par les stations de radiotélévision, une information erronée ayant été contredite par la suite.
Des obsèques nationales sont organisées en l’honneur de Pierre Laporte, à la basilique Notre-Dame, le 20 octobre 1970.
Libération de James Richard Cross, et arrestation de la cellule Chénier
Nombre de négociations menèrent à une entente décisive entre le gouvernement et les ravisseurs, qui obtinrent finalement un sauf-conduit vers Cuba, et délivrèrent James Cross après près d’un mois en captivité, le 4 décembre 1970 à 2 heures du matin.
Le sous-groupe du FLQ responsable du décès de Pierre Laporte fut arrêté par la police dans une résidence en Montérégie, avant de comparaître devant le tribunal, durant un procès menant à des sanctions de longues incarcérations.
Ainsi s’acheva la crise d’Octobre.
Le nationalisme québécois est en soi un mouvement souverainiste ayant imprégné l’histoire d’un peuple, d’une nation, d’un héritage. Bien que parfois teinté par des idéologies radicales çà et là, l’indépendantisme du Québec est une lutte acharnée qui façonne son peuple, le distingue de la majorité anglophone, et fait des Québécois une fière patrie.
«Vive le Québec libre!»
-Charles de Gaulle
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